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rie même, fortifiaient ces sages réflexions ; je résolus d’agir en conséquence, & le succès a couronné l’entreprise.

Déjà vous cherchez par quel moyen j’ai supplanté si tôt l’amant chéri ; quelle séduction convient à cet âge, à cette inexpérience. Épargnez-vous tant de peine, je n’en ai employé aucune. Tandis que, maniant avec adresse les armes de votre sexe, vous triomphiez par la finesse, moi, rendant à l’homme ses droits imprescriptibles, je subjuguais par l’autorité. Sûr de saisir ma proie, si je pouvais la joindre, je n’avais besoin de ruse que pour m’en approcher, & même celle dont je me suis servi ne mérite presque pas ce nom.

Je profitai de la première lettre que je reçus de Danceny pour sa belle, & après l’en avoir avertie par le signal convenu entre nous, au lieu de mettre mon adresse à la lui rendre, je la mis à n’en pas trouver le moyen : cette impatience que je faisais naître, je feignais de la partager, & après avoir causé le mal, j’indiquai le remède.

La jeune personne habite une chambre dont une porte donne sur le corridor ; mais, comme de raison, la maman en avait pris la clef. Il ne s’agissait que de s’en rendre maître. Rien de plus facile dans l’exécution ; je ne demandais que d’en disposer deux heures & je répondais d’en avoir une semblable. Alors correspondances, entrevues, rendez-vous nocturnes, tout devenait commode & sûr : cependant, le croiriez-vous ? l’enfant timide prit peur & refusa. Un autre s’en serait désolé ; moi je n’y vis que l’occasion d’un plaisir plus