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DANGEREUSES.

l’ai pas revue ; mais on m’a dit qu’elle était vraiment hideuse.

Le marquis de ***, qui ne perd pas l’occasion de dire une méchanceté, disait hier, en parlant d’elle, que la maladie l’avait retournée, & qu’à présent son âme était sur sa figure. Malheureusement tout le monde trouva que l’expression était juste.

Un autre événement vient d’ajouter encore à ses disgrâces & à ses torts. Son procès a été jugé avant-hier, & elle l’a perdu tout d’une voix. Dépens, dommages & intérêts, restitution des fruits, tout a été adjugé aux mineurs : en sorte que le peu de sa fortune qui n’était pas compromis dans ce procès est absorbé, & au delà, par les frais.

Aussitôt qu’elle a appris cette nouvelle, quoique malade encore, elle a fait ses arrangements, & est partie seule dans la nuit & en poste. Ses gens disent aujourd’hui qu’aucun d’eux n’a voulu la suivre. On croit qu’elle a pris la route de la Hollande.

Ce départ fait plus crier encore que tout le reste ; en ce qu’elle a emporté ses diamants, objet très considérable, qui devait rentrer dans la succession de son mari, son argenterie, ses bijoux ; enfin, tout ce qu’elle a pu, & qu’elle laisse après elle pour près de 50,000 liv. de dettes. C’est une véritable banqueroute.

La famille doit s’assembler demain pour voir à prendre des arrangements avec les créanciers. Quoique parente bien éloignée, j’ai offert d’y concourir ; mais je ne me trouverai pas à cette assemblée, devant assister à une cérémonie plus triste encore. Ma fille prend