Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/291

Cette page a été validée par deux contributeurs.
285
DANGEREUSES.

& l’applaudit ; & il se trouva, pour ainsi dire, porté devant madame de Merteuil, par le public qui faisait cercle autour d’eux. On assure que celle-ci a conservé l’air de ne rien voir & de ne rien entendre, & qu’elle n’a pas changé de figure ! mais je crois ce fait exagéré. Quoi qu’il en soit, cette situation, vraiment ignominieuse pour elle, a duré jusqu’au moment où on a annoncé sa voiture ; & à son départ, les huées scandaleuses ont encore redoublé. Il est affreux de se trouver parente de cette femme. M. de Prévan a été, le même soir, fort accueilli de tous ceux des officiers de son corps qui se trouvaient là, & on ne doute pas qu’on ne lui rende bientôt son emploi & son rang.

La même personne qui m’a fait ce détail, m’a dit que madame de Merteuil avait pris la nuit suivante une très forte fièvre, qu’on avait cru d’abord être l’effet de la situation violente où elle s’était trouvée ; mais qu’on sait, depuis hier au soir, que la petite vérole s’est déclarée confluente & d’un très mauvais caractère. En vérité, ce serait, je crois, un bonheur pour elle d’en mourir. On dit encore que toute cette aventure lui fera peut-être beaucoup de tort pour son procès, qui est près d’être jugé, & dans lequel on prétend qu’elle avait besoin de beaucoup de faveur.

Adieu, ma chère & digne amie. Je vois bien dans tout cela les méchants punis ; mais je n’y trouve nulle consolation pour leurs malheureuses victimes.

Paris, ce 18 décembre 17…