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Permettez-moi de vous observer à ce sujet qu’ici votre douleur vous abuse, puisque mon intérêt sur ce point est essentiellement lié à celui de M. de Valmont, & qu’il se trouverait enveloppé lui-même dans la condamnation que vous auriez provoquée contre moi. Je croirais donc, Madame, pouvoir au contraire compter plutôt de votre part, sur des secours que sur des obstacles, dans les soins que je pourrais être obligé de prendre pour que ce malheureux événement restât enseveli dans le silence.

Mais cette ressource de complicité, qui convient également au coupable & à l’innocent, ne peut suffire à ma délicatesse ; & en désirant de vous écarter comme partie, je vous réclame pour mon juge. L’estime des personnes qu’on respecte est trop précieuse, pour que je me laisse ravir la vôtre sans la défendre, & je crois en avoir les moyens.

En effet, si vous convenez que la vengeance est permise, disons mieux, qu’on se la doit, quand on a été trahi dans son amour, dans son amitié, et, surtout, dans sa confiance ; si vous en convenez, mes torts vont disparaître à vos yeux. N’en croyez pas mes discours ; mais lisez, si vous en avez le courage, la correspondance que je dépose entre vos mains[1]. La quantité de lettres qui s’y trouvent en original, paraît rendre

  1. C’est de cette correspondance, de celle remise pareillement à la mort de madame de Tourvel, et des lettres confiées aussi à madame de Rosemonde par madame de Volanges, qu’on a formé le présent recueil, dont les originaux subsistent entre les mains des héritiers de madame de Rosemonde.