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Lettre CLXIX.

Le chevalier Danceny à madame de Rosemonde.
Madame,

Peut-être trouverez-vous la démarche que je fais aujourd’hui étrange ; mais, je vous en supplie, écoutez-moi avant de me juger, & ne voyez ni audace ni témérité, où il n’y a que respect & confiance. Je ne me dissimule pas les torts que j’ai vis-à-vis de vous ; & je ne me les pardonnerais de ma vie, si je pouvais penser un moment qu’il m’eût été possible d’éviter de les avoir. Soyez même bien assurée, que pour me trouver exempt de reproches, je ne le suis pas de regrets ; & je peux ajouter encore avec sincérité, que ceux que je vous cause entrent pour beaucoup dans ceux que je ressens. Pour croire à ces sentiments dont j’ose vous assurer, il doit vous suffire de vous rendre justice ; & de savoir que, sans avoir l’honneur d’être connu de vous, j’ai pourtant celui de vous connaître.

Cependant, quand je gémis de la fatalité qui a causé à la fois vos chagrins & mes malheurs, on veut me faire craindre que, tout entière à votre vengeance, vous ne cherchiez les moyens de la satisfaire, jusque dans la sévérité des lois.