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Lettre CLXV.

Madame de Volanges à madame de Rosemonde.

Je vous sais déjà instruite, ma chère & digne amie, de la perte que vous venez de faire ; je connaissais votre tendresse pour M. de Valmont, & je partage bien sincèrement l’affliction que vous devez ressentir. Je suis vraiment peinée d’avoir à ajouter de nouveaux regrets à ceux que vous éprouvez déjà : mais, hélas ! il ne vous reste non plus que des larmes à donner à notre malheureuse amie. Nous l’avons perdue hier, à onze heures du soir. Par une fatalité attachée à son sort, & qui semblait se jouer de toute prudence humaine, ce court intervalle qu’elle a survécu à M. de Valmont lui a suffi pour en apprendre la mort ; et, comme elle a dit elle-même, pour n’avoir pu succomber sous le poids de ses malheurs qu’après que la mesure en a été comblée.

En effet, vous avez su que depuis plus de deux jours elle était absolument sans connaissance ; & encore hier matin, quand son médecin arriva, & que nous nous approchâmes de son lit, elle ne nous reconnut ni l’un ni l’autre, & nous ne pûmes en obtenir ni une parole, ni le moindre signe. Hé bien ! à peine étions-nous revenus à la cheminée, & pendant que le médecin m’apprenait le triste événement de la mort de M. de Valmont,