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vous l’épreuve de cette nuit ; c’est l’ouvrage de mon zèle, il a réussi : mais point de remercîments ; cela n’en vaut pas la peine ; rien n’était plus facile.

Au fait, que m’en a-t-il coûté ? un léger sacrifice, & quelque peu d’adresse. J’ai consenti à partager avec le jeune homme les faveurs de sa maîtresse : mais enfin il y avait bien autant de droits que moi, & je m’en souciais si peu ! La lettre que la jeune personne lui a écrite, c’est bien moi qui l’ai dictée : mais c’était seulement pour gagner du temps, parce que nous savions à quoi l’employer. Celle que j’y ai jointe, oh ! ce n’était rien, presque rien ; quelques réflexions de l’amitié, pour guider le choix du nouvel amant : mais en honneur, elles étaient inutiles ; il faut dire la vérité, il n’a pas balancé un moment.

Et puis, dans sa candeur, il doit aller chez vous aujourd’hui vous raconter tout ; & sûrement ce récit-là vous fera grand plaisir ! il vous dira : Lisez dans mon cœur ; il me le mande : & vous voyez bien que cela raccommode tout. J’espère qu’en y lisant tout ce qu’il voudra, vous y lirez peut-être aussi que les amants si jeunes ont leurs dangers ; & encore, qu’il vaut mieux m’avoir pour ami que pour ennemi.

Adieu, marquise ; jusqu’à la première occasion.

Paris, ce 6 décembre 17…