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vous l’amitié la plus tendre ; l’amitié unie au désir ressemble tant à l’amour !… Tous deux nous nous sommes trompés ; mais susceptible d’erreur, je ne suis point capable de mauvaise foi. » Je connais mon amie ; elle est honnête autant qu’indulgente ; elle fera plus que me pardonner, elle m’approuvera. Elle-même se reprochait souvent d’avoir trahi l’amitié ; souvent sa délicatesse effrayait son amour : plus sage que moi, elle fortifiera dans mon âme ces craintes utiles que je cherchais témérairement à étouffer dans la sienne. Je lui devrai d’être meilleur, comme à vous d’être plus heureux. O mes amis ! partagez ma reconnaissance. L’idée de vous devoir mon bonheur en augmente le prix.

Adieu, mon cher vicomte. L’excès de ma joie ne m’empêche point de songer à vos peines, & d’y prendre part. Que ne puis-je vous être utile ! Madame de Tourvel reste donc inexorable ? On la dit aussi bien malade. Mon Dieu, que je vous plains ! Puisse-t-elle reprendre à la fois de la santé & de l’indulgence, & faire à jamais votre bonheur ! Ce sont les vœux de l’amitié ; j’ose espérer qu’ils seront exaucés par l’amour.

Je voudrais causer plus longtemps avec vous ; mais l’heure me presse, & peut-être Cécile m’attend déjà.

Paris, ce 5 décembre 17…