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Lettre CLVII.

Le chevalier Danceny au vicomte de Valmont.

Ne doutez, mon cher vicomte, ni de mon cœur, ni de mes démarches : comment résisterais-je à un désir de ma Cécile ? Ah ! c’est bien elle, elle seule que j’aime, que j’aimerai toujours ! son ingénuité, sa tendresse, ont un charme pour moi dont j’ai pu avoir la faiblesse de me laisser distraire, mais que rien n’effacera jamais. Engagé dans une autre aventure, pour ainsi dire sans m’en être aperçu, souvent le souvenir de Cécile est venu me troubler jusques dans les plus doux plaisirs ; & peut-être mon cœur ne lui a-t-il jamais rendu d’hommage plus vrai, que dans le moment même où je lui étais infidèle. Cependant, mon ami, ménageons sa délicatesse, & cachons-lui mes torts ; non pour la surprendre, mais pour ne pas l’affliger. Le bonheur de Cécile est le vœu le plus ardent que je forme ; jamais je ne me pardonnerais une faute qui lui aurait coûté une larme.

J’ai mérité, je le sens, la plaisanterie que vous me faites, sur ce que vous appelez mes nouveaux principes ; mais vous pouvez m’en croire, ce n’est point par eux que je me conduis dans ce moment ; & dès demain je suis décidé à le prouver. J’irai m’accuser à celle même qui a causé mon égarement, & qui l’a partagé ; je lui dirai : « Lisez dans mon cœur ; il a pour