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Lettre CLIII.

Le vicomte de Valmont à la marquise de Merteuil.

Je réponds sur-le-champ à votre lettre, & je tâcherai d’être clair ; ce qui n’est pas facile avec vous, quand une fois vous avez pris le parti de ne pas entendre.

De longs discours n’étaient pas nécessaires pour établir que chacun de nous ayant en main tout ce qu’il faut pour perdre l’autre, nous avons un égal intérêt à nous ménager mutuellement : aussi, n’est-ce pas de cela dont il s’agit. Mais entre le parti violent de se perdre, & celui, sans doute meilleur, de rester unis comme nous l’avons été, de le devenir davantage encore en reprenant notre première liaison ; entre ces deux partis, dis-je, il y en a mille autres à prendre. Il n’était donc pas ridicule de vous dire, & il ne l’est pas de vous répéter que, de ce jour même je serai votre amant, ou votre ennemi.

Je sens à merveille que ce choix vous gêne ; qu’il vous conviendrait mieux de tergiverser ; & je n’ignore pas que vous n’avez jamais aimé à être placée ainsi entre le oui & le non : mais vous devez sentir aussi que je ne puis vous laisser sortir de ce cercle étroit sans risquer d’être joué ; & vous avez dû prévoir que je ne le souffrirais pas. C’est maintenant à vous à décider : je peux vous laisser le choix, mais non pas rester dans l’incertitude.