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& qu’au lieu de me consoler, ce soit de vous que me viennent toujours les peines qui me font le plus de chagrin. Vous croyez que je vous trompe, & que je vous dis ce qui n’est pas ! vous avez là une jolie idée de moi ? Mais quand je serais menteuse, comme vous me le reprochez, quel intérêt y aurais-je ? Assurément, si je ne vous aimais plus, je n’aurais qu’à le dire, & tout le monde m’en louerait ; mais, par malheur, c’est plus fort que moi ; & il faut que ce soit pour quelqu’un qui ne m’en a pas d’obligation du tout !

Qu’est-ce que j’ai donc fait pour vous tant fâcher ? Je n’ai pas osé prendre une clef, parce que je craignais que maman ne s’en aperçût, & que cela ne me causât encore du chagrin, & à vous aussi à cause de moi ; & puis encore, parce qu’il me semble que c’est mal fait. Mais ce n’était que M. de Valmont qui m’en avait parlé ; je ne pouvais pas savoir si vous le vouliez ou non, puisque vous n’en saviez rien. A présent que je sais que vous le désirez, est-ce que je refuse de la prendre, cette clef ? je la prendrai dès demain ; & puis nous verrons ce que vous aurez encore à dire.

M. de Valmont a beau être votre ami ; je crois que je vous aime bien autant qu’il peut vous aimer, pour le moins ; & cependant c’est toujours lui qui a raison, & moi j’ai toujours tort. Je vous assure que je suis bien fâchée. Ça vous est bien égal, parce que vous savez que je m’apaise tout de suite ; mais à présent que j’aurai la clef, je pourrai vous voir quand je voudrai ; & je vous assure que je ne voudrai pas, quand vous agirez comme ça. J’aime encore mieux avoir du chagrin qui me