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sentiments pour vous. Tout ce que je puis faire en ce moment, c’est de ne pas scruter mon cœur. J’attends votre réponse. Songez en la faisant, songez bien que plus il vous est facile encore de me faire oublier l’offense que vous m’avez faite, plus un refus de votre part, un simple délai, la graverait dans mon cœur en traits ineffaçables.

Paris, ce 3 décembre 17…

Lettre CLII.

La marquise de Merteuil au vicomte de Valmont.

Prenez donc garde, vicomte, & ménagez davantage mon extrême timidité ! Comment voulez-vous que je supporte l’idée accablante d’encourir votre indignation ; & surtout que je ne succombe pas à la crainte de votre vengeance ? d’autant que, comme vous savez, si vous me faisiez une noirceur, il me serait impossible de vous la rendre. J’aurais beau parler, votre existence n’en serait ni moins brillante ni moins paisible. Au fait, qu’auriez-vous à redouter ? d’être obligé de partir, si on vous en laissait le temps. Mais ne vit-on pas chez l’étranger comme ici ? & à tout prendre, pourvu que la Cour de France vous laissât tranquille à celle où vous vous fixeriez, ce ne serait pour vous que changer