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Cependant, si vous avez quelque confidence bien pressée à me faire, je veux bien vous excepter de la règle générale ; mais je n’excepterai que vous : ainsi, je vous demande le secret sur mon arrivée. Valmont même n’en sera pas instruit.

Qui m’aurait dit, il y a quelque temps, que bientôt vous auriez ainsi ma confiance exclusive, je ne l’aurais pas cru. Mais la vôtre a entraîné la mienne. Je serais tenté de croire que vous y avez mis de l’adresse, peut-être même de la séduction. Cela serait bien mal au moins ! Au reste, elle ne serait pas dangereuse à présent ; vous avez vraiment bien autre chose à faire ! Quand l’héroïne est en scène, on ne s’occupe guère de la confidente.

Aussi n’avez-vous seulement pas eu le temps de me faire part de vos nouveaux succès. Quand votre Cécile était absente, les jours n’étaient pas assez longs pour écouter vos tendres plaintes. Vous les auriez faites aux échos, si je n’avais pas été là pour les entendre. Quand, depuis, elle a été malade, vous m’avez même encore honorée du récit de vos inquiétudes ; vous aviez besoin de quelqu’un à qui les dire. Mais à présent qu’elle est à Paris, qu’elle se porte bien, & surtout que vous la voyez quelquefois, elle suffit à tout, & vos amis ne vous sont plus rien.

Je ne vous en blâme pas ; c’est la faute de vos vingt ans. Depuis Alcibiade jusqu’à vous, ne sait-on pas que les jeunes gens n’ont jamais connu l’amitié que dans leurs chagrins ? Le bonheur les rend quelquefois indiscrets, mais jamais confiants. Je dirai bien