Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette rupture sans y perdre les plaisirs de la jouissance ? & comme alors cet apparent sacrifice n’en serait plus un pour vous, vous m’offrez de le renouveler à ma volonté. Par cet heureux arrangement, la céleste dévote se croirait toujours l’unique choix de votre cœur, tandis que je m’enorgueillirais d’être la rivale préférée ; nous serions trompées toutes deux, mais vous seriez content ; & qu’importe le reste ?

C’est dommage qu’avec tant de talent pour les projets, vous en ayez si peu pour l’exécution ; & que par une seule démarche inconsidérée, vous ayez mis vous-même un obstacle invincible à ce que vous désirez le plus.

Quoi ! vous aviez l’idée de renouer, & vous avez pu écrire ma lettre ! Vous m’avez donc crue bien gauche à mon tour ! Ah ! croyez-moi, vicomte, quand une femme frappe dans le cœur d’une autre, elle manque rarement de trouver l’endroit sensible, & la blessure est incurable. Tandis que je frappais celle-ci, ou plutôt que je dirigeais vos coups, je n’ai pas oublié que cette femme était ma rivale, que vous l’aviez trouvée un moment préférable à moi, & qu’enfin, vous m’aviez placée au-dessous d’elle. Si je me suis trompée dans ma vengeance, je consens à en porter la faute. Ainsi, vicomte, je trouve bon que vous tentiez tous les moyens : je vous y invite même, & vous promets de ne pas me fâcher de vos succès, si vous parvenez à en avoir. Je suis si tranquille sur cet objet que je ne veux plus m’en occuper. Parlons d’autre chose.

Par exemple, de la santé de la petite Volanges.