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Je vous le disais bien, il y a quelque temps, que malgré vos inquiétudes, je ne reparaîtrais sur la scène du monde que brillant d’un nouvel éclat. Qu’ils se montrent donc, ces critiques sévères, qui m’accusaient d’un amour romanesque & malheureux ; qu’ils fassent des ruptures plus promptes & plus brillantes : mais non, qu’ils fassent mieux ; qu’ils se présentent comme consolateurs, la route leur est tracée. Eh bien ! qu’ils osent seulement tenter cette carrière que j’ai parcourue en entier ; & si l’un d’eux obtient le moindre succès, je lui cède la première place. Mais ils éprouveront tous que, quand j’y mets du soin, l’impression que je laisse est ineffaçable. Ah ! sans doute, celle-ci le sera ; & je compterais pour rien tous mes autres triomphes, si jamais je devais avoir auprès de cette femme un rival préféré.

Ce parti qu’elle a pris flatte mon amour-propre, j’en conviens ; mais je suis fâché cependant qu’elle ait trouvé en elle une force suffisante pour se séparer autant de moi. Il y aura donc entre nous deux, d’autres obstacles que ceux que j’aurai placés moi-même ! Quoi ! si je voulais me rapprocher d’elle, elle pourrait ne le plus vouloir ; que dis-je ? ne le pas désirer, n’en plus faire son suprême bonheur ! est-ce donc ainsi qu’on aime ? et croyez-vous, ma belle amie, que je doive le souffrir ? Ne pourrais-je pas, par exemple, et ne vaudrait-il pas mieux tenter de ramener cette femme au point de prévoir la possibilité d’un raccommodement, qu’on désire toujours tant qu’on l’espère ? Je pourrais essayer cette démarche sans y mettre d’importance ; & par