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la voiture, ni cessé de me regarder, avec des éclats de rire à faire scène.

Dans l’anéantissement où j’en fus, je me laissai pourtant conduire dans la maison où je devais souper : mais il me fut impossible d’y rester ; je me sentais, à chaque instant, prête à m’évanouir, & surtout je ne pouvais retenir mes larmes.

En rentrant, j’écrivis à M. de Valmont & lui envoyai ma lettre aussitôt ; il n’était pas chez lui. Voulant, à quelque prix que ce fût, sortir de cet état de mort, ou le confirmer à jamais, je renvoyai avec ordre de l’attendre : mais avant minuit mon domestique revint, en me disant que le cocher, qui était de retour, lui avait dit que son maître ne rentrerait pas de la nuit. J’ai cru ce matin n’avoir plus autre chose à faire qu’à lui redemander mes lettres, & le prier de ne plus venir chez moi. J’ai en effet donné des ordres en conséquence ; mais, sans doute, ils étaient inutiles. Il est plus de midi ; il ne s’est point encore présenté, & je n’ai pas même reçu un mot de lui.

A présent, ma chère amie, je n’ai plus rien à ajouter : vous voilà instruite, & vous connaissez mon cœur. Mon seul espoir est de n’avoir pas longtemps encore à affliger votre sensible amitié.

Paris, ce 15 novembre 17…