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fiant, sans s’en faire un mérite, une première passion, avant même qu’elle ait été satisfaite, & m’aimant enfin comme on aime à son âge, pourrait, malgré ses vingt ans, travailler plus efficacement que vous à mon bonheur & à mes plaisirs. Je me permettrai même d’ajouter que, s’il me venait en fantaisie de lui donner un adjoint, ce ne serait pas vous, au moins pour le moment.

Et par quelles raisons, allez-vous demander ? Mais d’abord il pourrait fort bien n’y en avoir aucune : car le caprice qui vous ferait préférer, peut également vous faire exclure. Je veux pourtant bien, par politesse, vous motiver mon avis. Il me semble que vous auriez trop de sacrifices à me faire ; & moi, au lieu d’en avoir la reconnaissance que vous ne manqueriez pas d’en attendre, je serais capable de croire que vous m’en devriez encore ! Vous voyez bien, qu’aussi éloignés l’un de l’autre par notre façon de penser, nous ne pouvons nous rapprocher d’aucune manière ; & je crains qu’il ne me faille beaucoup de temps, mais beaucoup, avant de changer de sentiment. Quand je serai corrigée, je vous promets de vous avertir. Jusque-là, croyez-moi, faites d’autres arrangements, & gardez vos baisers ; vous avez tant à les placer mieux !…

Adieu, comme autrefois, dites-vous ; mais, autrefois, vous faisiez un peu plus de cas de moi ; vous ne m’aviez pas destinée tout à fait aux troisièmes rôles ; & surtout vous vouliez bien attendre que j’eusse dit oui, avant d’être sûr de mon consentement. Trouvez donc bon qu’au lieu de vous dire aussi, adieu