là un coup de la Providence, qui, en touchant l’un, a aussi sauvé l’autre. Oui, ma chère belle, Dieu qui ne voulait que vous éprouver, vous a secourue au moment où vos forces étaient épuisées ; & malgré votre petit murmure, vous avez, je crois, quelques actions de grâces à lui rendre. Ce n’est pas que je ne sente fort bien qu’il vous eût été plus agréable que cette résolution vous fût venue la première, & que celle de Valmont n’en eût été que la suite ; il semble même, humainement parlant, que les droits de notre sexe en eussent été mieux conservés, & nous ne voulons en perdre aucun. Mais qu’est-ce que ces considérations légères, auprès des objets importants qui se trouvent remplis ? Voit-on celui qui se sauve du naufrage, se plaindre de n’avoir pas eu le choix des moyens ?
Vous éprouverez bientôt, ma chère fille, que les peines que vous redoutez s’allégeront d’elles-mêmes ; & quand elles devraient subsister toujours & dans leur entier, vous n’en sentiriez pas moins qu’elles seraient encore plus faciles à supporter que les remords du crime & le mépris de soi-même. Inutilement vous aurais-je parlé plus tôt avec cette apparente sévérité : l’amour est un sentiment indépendant, que la prudence peut faire éviter, mais qu’elle ne saurait vaincre ; & qui, une fois né, ne meurt que de sa belle mort, ou du défaut absolu d’espoir. C’est ce dernier cas, dans lequel vous êtes, qui me rend le courage & le droit de vous dire librement mon avis. Il est cruel d’effrayer un malade désespéré, qui n’est plus susceptible que de consolations de palliatifs : mais il est