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vous voulez que je me calme, répondit la belle effarouchée, vous-même soyez donc plus tranquille. — Hé bien ! oui, je vous le promets », lui dis-je. Et j’ajoutai d’une voix plus faible : « Si l’effort est grand, au moins ne doit-il pas être long. Mais, repris-je aussitôt d’un air égaré, je suis venu, n’est-il pas vrai, pour vous rendre vos lettres ? De grâce, daignez les reprendre. Ce douloureux sacrifice me reste à faire ; ne me laissez rien qui puisse affaiblir mon courage. » Et tirant de ma poche le précieux recueil : « Le voilà, dis-je, ce dépôt trompeur des assurances de votre amitié ! Il m’attachait à la vie, reprenez-le. Donnez ainsi vous-même le signal qui doit me séparer de vous pour jamais. »

Ici l’amante craintive céda entièrement à sa tendre inquiétude. Mais, « M. de Valmont, qu’avez-vous, & que voulez-vous dire ? la démarche que vous faites aujourd’hui n’est-elle pas volontaire ? n’est-ce pas le fruit de vos propres réflexions ? & ne sont-ce pas elles qui vous ont fait approuver vous-même le parti nécessaire que j’ai suivi par devoir ? — Eh bien ! ai-je repris ; ce parti a décidé le mien. - Et quel est-il ? — Le seul qui puisse, en me séparant de vous, mettre un terme à mes peines. — Mais, répondez-moi, quel est-il ? » Là, je la pressai de mes bras, sans qu’elle se défendît aucunement ; & jugeant, par cet oubli des bienséances, combien l’émotion était forte & puissante : « Femme adorable, lui dis-je en risquant l’enthousiasme, vous n’avez pas d’idée de l’amour que vous inspirez. Vous ne saurez jamais jusqu’à