Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 2.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donc repris, ont fait sur mon cœur une impression si profonde, tant de vertus n’en ont pas moins fait sur mon âme. Séduit, sans doute, par le désir de m’en rapprocher, j’avais osé m’en croire digne. Je ne vous reproche point d’en avoir jugé autrement ; mais je me punis de mon erreur. » Comme on gardait le silence de l’embarras, j’ai continué : « J’ai désiré, Madame, ou de me justifier à vos yeux, ou d’obtenir de vous le pardon des torts que vous me supposez ; afin de pouvoir au moins terminer, avec quelque tranquillité, des jours auxquels je n’attache plus de prix, depuis que vous avez refusé de les embellir. »

Ici on a pourtant essayé de répondre. « Mon devoir ne me permettait pas… » Et la difficulté d’achever le mensonge que le devoir exigeait, n’a pas permis de finir la phrase. J’ai donc repris du ton le plus tendre : « Il est donc vrai que c’est moi que vous avez fui ? — Ce départ était nécessaire. — Et que vous m’éloignez de vous ? — Il le faut. - Et pour toujours ? — Je le dois. » Je n’ai pas besoin de vous dire que, pendant ce court dialogue, la voix de la tendre prude était oppressée, & que ses yeux ne s’élevaient pas jusqu’à moi.

Je jugeai devoir animer un peu cette scène languissante ; ainsi, me levant avec l’air du dépit : « Votre fermeté, dis-je alors, me rend toute la mienne. Eh bien, oui, Madame, nous serons séparés, séparés même plus que vous ne pensez ; & vous vous féliciterez à loisir de votre ouvrage. » Un peu surprise de ce ton de reproche, elle voulut répliquer. « La