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Lettre CXXII.

Madame de Rosemonde à la présidente de Tourvel.

J’espérais, mon aimable fille, pouvoir enfin calmer vos inquiétudes, et je vois avec chagrin, que je vais au contraire les augmenter encore. Calmez-vous cependant : mon neveu n’est pas en danger ; on ne peut pas même dire qu’il soit réellement malade. Mais il se passe sûrement en lui quelque chose d’extraordinaire. Je n’y comprends rien ; mais je suis sortie de sa chambre avec un sentiment de tristesse, peut-être même d’effroi que je me reproche de vous faire partager et dont cependant je ne puis m’empêcher de causer avec vous. Voici le récit de ce qui s’est passé : vous pouvez être sûre qu’il est fidèle, car je vivrais quatre-vingts autres années que je n’oublierais pas l’impression que m’a faite cette triste scène.

J’ai donc été ce matin chez mon neveu ; je l’ai trouvé écrivant et entouré de différents tas de papiers qui avaient l’air d’être l’objet de son travail. Il s’en occupait au point que j’étais déjà au milieu de sa chambre qu’il n’avait pas encore tourné la tête pour savoir qui entrait. Aussitôt qu’il m’a aperçue, j’ai très bien remarqué qu’en se levant, il s’efforçait de composer sa figure, et peut-être même est-ce là ce qui m’y a fait faire plus d’attention. Il était, à la vérité, sans toilette et sans poudre ; mais je l’ai trouvé pâle &