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Lettre CXVII.

Cécile Volanges au chevalier Danceny.
(Dictée par Valmont.)

Croyez-vous donc, mon bon ami, que j’aie besoin d’être grondée pour être triste, quand je sais que vous vous affligez ? & doutez-vous que je ne souffre autant que vous de toutes vos peines ? Je partage même celles que je vous cause volontairement ; & j’ai de plus que vous, de voir que vous ne me rendez pas justice. Oh ! cela n’est pas bien. Je vois bien ce qui vous fâche ; c’est que les deux dernières fois que vous m’avez demandé pour venir ici, je ne vous ai pas répondu à cela ; mais cette réponse est-elle donc si aisée à faire ? Croyez-vous que je ne sache pas que ce que vous voulez est bien mal ? & pourtant, si j’ai déjà tant de peine à vous refuser de loin, que serait-ce donc si vous étiez là ? Et puis, pour avoir voulu vous consoler un moment, je resterais affligée toute ma vie.

Tenez, je n’ai rien de caché pour vous, moi ; voilà mes raisons, jugez vous-même. J’aurais peut-être fait ce que vous voulez, sans ce que je vous ai mandé, que ce M. de Gercourt, qui cause tout notre chagrin, n’arrivera pas encore de sitôt ; & comme, depuis quelque temps, maman me témoigne beaucoup plus d’amitié ; comme, de mon côté, je la caresse le plus que je peux ; qui sait ce que je pourrai obtenir