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moment mes grands projets, pour raisonner des vôtres avec vous.

Vous voilà donc à la campagne, ennuyeuse comme le sentiment, & triste comme la fidélité ! Et ce pauvre Belleroche ! vous ne vous contentez pas de lui faire boire l’eau d’oubli, vous lui en donnez la question. Comment s’en trouve-t-il ? supporte-t-il bien les nausées de l’amour ? Je voudrais pour beaucoup qu’il ne vous en devînt que plus attaché ; je serais curieux de voir quel remède plus efficace vous parviendriez à employer. Je vous plains, en vérité, d’avoir été obligée de recourir à celui-là. Je n’ai fait qu’une fois, dans ma vie, l’amour par procédé. J’avais certainement un grand motif, puisque c’était à la Comtesse de ... ; & vingt fois, entre ses bras, j’ai été tenté de lui dire : « Madame, je renonce à la place que je sollicite, & permettez-moi de quitter celle que j’occupe. » Aussi, de toutes les femmes que j’ai eues, c’est la seule dont j’ai vraiment plaisir à dire du mal.

Pour votre motif à vous, je le trouve, à vrai dire, d’un ridicule rare ; & vous aviez raison de croire que je ne devinerais pas le successeur. Quoi ! c’est pour Danceny que vous vous donnez toute cette peine-là ! Eh ! ma chère amie, laissez-le adorer sa vertueuse Cécile, & ne vous compromettez pas dans ces jeux d’enfant. Laissez les écoliers se former auprès des bonnes, ou jouer avec les pensionnaires, à de petits jeux innocents. Comment allez-vous vous charger d’un novice qui ne saura ni vous prendre ni vous quitter, & avec qui il vous faudra tout faire ? Je vous le dis sérieusement, je dés-