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je ne m’en inquiète pas encore : je me crois sûr d’avoir bientôt de quoi les faire cesser. Soyez tranquille ; je ne reparaîtrai dans le monde que plus célèbre que jamais, & toujours plus digne de vous.

J’espère qu’on me comptera même pour quelque chose, l’aventure de la petite Volanges, dont vous paraissez faire si peu de cas : comme si ce n’était rien, que d’enlever, en une soirée, une jeune fille à son amant aimé, d’en user ensuite tant qu’on le veut, & absolument comme de son bien, & sans plus d’embarras ; d’en obtenir ce qu’on n’ose pas même exiger de toutes les filles dont c’est le métier ; & cela, sans la déranger en rien de son tendre amour, sans la rendre inconstante, pas même infidèle - car, en effet, je n’occupe pas seulement sa tête ; en sorte qu’après ma fantaisie passée, je la remettrai entre les bras de son amant, pour ainsi dire, sans qu’elle se soit aperçue de rien. Est-ce donc là une marche si ordinaire ? & puis, croyez-moi une fois sortie de mes mains, les principes que je lui donne ne s’en développeront pas moins ; & je prédis que la timide écolière prendra bientôt un essor propre à faire honneur à son maître.

Si pourtant on aime mieux le genre héroïque, je montrerai la présidente, ce modèle cité de toutes les vertus ! respectée même de nos plus libertins ! telle enfin qu’on avait perdu jusqu’à l’idée de l’attaquer ! je la montrerai, dis-je, oubliant ses devoirs & sa vertu, sacrifiant sa réputation & deux ans de sagesse, pour courir après le bonheur de me plaire, pour s’enivrer de celui de m’aimer, se trouvant suffisamment dédom-