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encore, les maladies ne cèdent plus au traitement, quand elles n’ont pas été prises à temps. Pourquoi faire courir ce risque à quelqu’un qui vous est si cher ?

Ce qui redouble mon inquiétude, c’est que, depuis quatre jours, je ne reçois plus de nouvelles de lui. Mon Dieu ! ne me trompez-vous point sur son état ? Pourquoi aurait-il cessé de m’écrire tout à coup ? Si c’était seulement l’effet de mon obstination à lui renvoyer ses lettres, je crois qu’il aurait pris ce parti plus tôt. Enfin, sans croire aux pressentiments, je suis depuis quelques jours d’une tristesse qui m’effraie. Ah ! peut-être suis-je à la veille du plus grand des malheurs !

Vous ne sauriez croire, & j’ai honte de vous dire, combien je suis peinée de ne plus recevoir ces mêmes lettres, que pourtant je refuserais encore de lire. J’étais sûre au moins qu’il s’était occupé de moi ! & je voyais quelque chose qui venait de lui. Je ne les ouvrais pas ces lettres, mais je pleurais en les regardant : mes larmes étaient plus douces & plus faciles ; & celles-là seules dissipaient en partie l’oppression habituelle que j’éprouve depuis mon retour. Je vous en conjure, mon indulgente amie, écrivez-moi, vous-même, aussitôt que vous le pourrez ; & en attendant, faites-moi donner chaque jour de vos nouvelles & des siennes.

Je m’aperçois qu’à peine je vous ai dit un mot pour vous ; mais vous connaissez mes sentiments, mon attachement sans réserve, ma tendre reconnaissance pour votre sensible amitié ; vous pardonnerez au trouble où je suis, à mes peines mortelles, au tourment