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ne possédez absolument que sa personne. Je ne parle pas de son cœur, dont je me doute bien que vous ne vous souciez guère ; mais vous n’occupez seulement pas sa tête. Je ne sais pas si vous vous en êtes aperçu, mais moi j’en ai la preuve dans la dernière lettre qu’elle m’a écrite[1] ; je vous l’envoie pour que vous en jugiez. Voyez donc que quand elle y parle de vous, c’est toujours M. de Valmont ; que toutes ses idées, même celles que vous lui faites naître, n’aboutissent jamais qu’à Danceny ; & lui, elle ne l’appelle pas monsieur, c’est bien toujours Danceny seulement. Par là, elle le distingue de tous les autres ; & même en se livrant à vous, elle ne se familiarise qu’avec lui. Si une telle conquête vous paraît séduisante, si les plaisirs qu’elle donne vous attachent, assurément vous êtes modeste & peu difficile ! Que vous la gardiez, j’y consens ; cela entre même dans mes projets. Mais il me semble que cela ne vaut pas de se déranger un quart d’heure ; qu’il faudrait aussi avoir quelque empire, & ne lui permettre, par exemple, de se rapprocher de Danceny, qu’après le lui avoir fait un peu plus oublier.

Avant de cesser de m’occuper de vous, pour venir à moi, je veux encore vous dire que ce moyen de maladie que vous m’annoncez vouloir prendre, est bien connu & bien usé. En vérité, vicomte, vous n’êtes pas inventif. Moi, je me répète aussi quelquefois, comme vous allez voir ; mais je tâche de me sauver par les détails, & surtout le succès me justifie. Je vais encore en tenter un, & courir une nouvelle aventure. Je conviens

  1. Voyez la lettre CIX.