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DANGEREUSES.

lui dire, & je peux bien vous assurer même que je lui ai dit que j’en étais fâchée : mais il dit que c’était plus fort que lui, & je le crois bien ; car j’avais résolu de ne lui pas répondre, & pourtant je n’ai pas pu m’en empêcher. Oh ! je ne lui ai écrit qu’une fois, & même c’était, en partie, pour lui dire de ne plus m’écrire : mais, malgré cela, il m’écrit toujours ; et comme je ne lui réponds pas, je vois bien qu’il est triste, & ça m’afflige encore davantage : si bien que je ne sais plus que faire ni que devenir, & que je suis bien à plaindre.

Dites-moi, je vous en prie, madame, est-ce que ce serait bien mal de lui répondre de temps en temps ? seulement jusqu’à ce qu’il ait pu prendre sur lui de ne plus m’écrire lui-même, et de rester comme nous étions avant : car, pour moi, si cela continue, je ne sais pas ce que je deviendrai. Tenez, en lisant sa dernière lettre, j’ai pleuré que ça ne finissait pas ; & je suis bien sûre que si je ne lui réponds pas encore, ça nous fera bien de la peine.

Je vais vous envoyer sa lettre aussi, ou bien une copie, et vous jugerez ; vous verrez bien que ce n’est rien de mal qu’il demande. Cependant si vous trouvez que ça ne se doit pas, je vous promets de m’en empêcher, mais je crois que vous penserez comme moi, que ce n’est pas là du mal.

Pendant que j’y suis, madame, permettez-moi de vous faire encore une question. On m’a bien dit que c’était mal d’aimer quelqu’un ; mais pourquoi cela ? Ce qui me fait vous le demander, c’est que M.  le che-