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LES LIAISONS


Lettre XXVII.

Cécile Volanges à la marquise de Merteuil.

Mon Dieu, que vous êtes bonne, madame ! comme vous avez bien senti qu’il me serait plus facile de vous écrire que de vous parler ! Aussi c’est que ce que j’ai à vous dire est bien difficile ; mais vous êtes mon amie, n’est-il pas vrai ? Oh ! oui, ma bien bonne amie ! Je vais tâcher de n’avoir pas peur ; & puis, j’ai tant besoin de vous, de vos conseils ! J’ai bien du chagrin ; il me semble que tout le monde devine ce que je pense ; & surtout quand il est là, je rougis dès qu’on me regarde. Hier, quand vous m’avez vue pleurer, c’est que je voulais vous parler, & puis, je ne sais quoi m’en empêchait ; & quand vous m’avez demandé ce que j’avais, mes larmes sont venues malgré moi. Je n’aurais pas pu dire une parole. Sans vous, maman allait s’en apercevoir, & qu’est-ce que je serais devenue ? Voilà pourtant comme je passe ma vie, surtout depuis quatre jours.

C’est ce jour-là, madame, oui, je vais vous le dire, c’est ce jour-là que M. le chevalier Danceny m’a écrit. Oh ! je vous assure que quand j’ai trouvé sa lettre, je ne savais pas du tout ce que c’était : mais, pour ne pas mentir, je ne peux pas dire que je n’aie eu bien du plaisir en la lisant ; voyez-vous, j’aimerais mieux avoir du chagrin toute ma vie, que s’il ne me l’eût pas écrite. Mais je savais bien que je ne devais pas le