prisse pour bonnes ses mauvaises raisons. Je n’avais garde de m’y rendre, comme vous pouvez croire, & je résistai de même à une petite diatribe contre la chasse & les chasseurs, & à un petit nuage d’humeur qui obscurcit, toute la soirée, cette figure céleste. Je craignis un moment que ses ordres ne fussent révoqués & que sa délicatesse ne me nuisît. Je ne calculais pas la curiosité d’une femme, aussi me trompais-je. Mon chasseur me rassura dès le soir même, & je me couchai satisfait.
Au point du jour je me lève & je pars. À peine à cinquante pas du château, j’aperçois mon espion qui me suit. J’entre en chasse & marche à travers champs vers le village où je voulais me rendre, sans autre plaisir, dans ma route, que de faire courir le drôle qui me suivait, & qui, n’osant pas quitter les chemins, parcourait souvent, à toute course, un espace triple du mien. À force de l’exercer, j’ai eu moi-même une extrême chaleur, & je me suis assis au pied d’un arbre. N’a-t-il pas eu l’insolence de couler derrière un buisson qui n’était pas à vingt pas de moi, & de s’y asseoir aussi. J’ai été tenté un moment de lui envoyer mon coup de fusil, qui, quoique de petit plomb seulement, lui aurait donné une leçon suffisante sur les dangers de la curiosité ; heureusement pour lui, je me suis ressouvenu qu’il était utile & même nécessaire à mes projets : cette réflexion l’a sauvé.
Cependant j’arrive au village ; je vois de la rumeur ; je m’avance ; j’interroge ; on me raconte le fait.