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LES LIAISONS


Lettre XVI.

Cécile Volanges à Sophie Carnay.

Ah ! ma Sophie, voici bien des nouvelles ! je ne devrais peut-être pas te les dire : mais il faut bien que j’en parle à quelqu’un ; c’est plus fort que moi. Ce chevalier Danceny… Je suis dans un trouble que je ne peux pas écrire : je ne sais par où commencer. Depuis que je t’avais raconté la jolie soirée[1] que j’avais passée chez maman avec lui & madame de Merteuil, je ne t’en parlais plus : c’est que je ne voulais plus en parler à personne ; mais j’y pensais pourtant toujours. Depuis il était devenu si triste, mais si triste, si triste, que ça me faisait de la peine ; & quand je lui demandais pourquoi, il me disait que non : mais je voyais bien que si. Enfin hier il l’était encore plus que de coutume. Ça n’a pas empêché qu’il n’ait eu la complaisance de chanter avec moi comme à l’ordinaire ; mais toutes les fois qu’il me regardait, cela me serrait le cœur. Après que nous eûmes fini de chanter, il alla renfermer ma harpe dans son étui ; &, en m’en rapportant la clé, il me pria d’en jouer

  1. La lettre où il est parlé de cette soirée ne s’est pas retrouvée. Il y a lieu de croire que c’est celle proposée dans le billet de madame de Merteuil, et dont il est aussi question dans la précédente lettre de Cécile Volanges.