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de mon ami, en vous rendant éternellement malheureuse. Cependant je connais les impatiences de l’amour ; je sens combien il doit être pénible, dans votre situation, d’éprouver quelque retard à la seule consolation que vous puissiez goûter dans ce moment. A force de m’occuper des moyens d’écarter les obstacles, j’en ai trouvé un dont l’exécution sera aisée, si vous y mettez quelque soin.

Je crois avoir remarqué que la clef de la porte de votre chambre, qui donne sur le corridor, est toujours sur la cheminée de votre maman. Tout deviendrait facile avec cette clef, vous devez bien le sentir ; mais à son défaut, je pourrai vous en procurer une semblable, & qui la suppléera. Il me suffira, pour y parvenir, d’avoir l’autre une heure ou deux à ma disposition. Vous devez trouver aisément l’occasion de la prendre ; & pour qu’on ne s’aperçoive pas qu’elle manque, j’en joins ici une, à moi, qui lui est assez semblable, pour qu’on n’en voie pas la différence, à moins qu’on ne l’essaie ; ce qu’on ne tentera pas. Il faudra seulement que vous ayez soin d’y mettre un ruban, bleu & passé, comme celui qui est à la vôtre.

Il faudrait tâcher d’avoir cette clef pour demain ou après demain, à l’heure du déjeuner ; parce qu’il vous sera plus facile de me la donner alors & qu’elle pourra être remise à sa place pour le soir, temps où votre maman pourrait y faire plus d’attention. Je pourrai vous la rendre au moment du dîner, si nous nous entendons bien.