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DANGEREUSES.

dait à l’amour, il faut le livrer à la crainte :

Ses bras s’ouvrent encor quand son cœur est fermé.

Sa prudence doit dénouer avec adresse ces mêmes liens que vous auriez rompus. À la merci de son ennemi, elle est sans ressource, s’il est sans générosité : & comment en espérer de lui, lorsque, si quelquefois on le loue d’en avoir, jamais pourtant on ne le blâme d’en manquer ?

Sans doute vous ne nierez pas ces vérités que leur évidence a rendues triviales. Si cependant vous m’avez vue, disposant des événements & des opinions, faire de ces hommes si redoutables les jouets de mes caprices ou de mes fantaisies ; ôter aux uns la volonté de me nuire, aux autres la puissance de me nuire ; si j’ai su tour à tour, & suivant mes goûts mobiles, attacher à ma suite ou rejeter loin de moi

Ces tyrans détrônés devenus mes esclaves[1] ;


si, au milieu de ces révolutions fréquentes, ma réputation s’est pourtant conservée pure, n’avez-vous pas

  1. On ne sait si ce vers, ainsi que celui qui se trouve ci-devant, Ses bras s’ouvrent encor quand son cœur est fermé, sont des citations d’ouvrages peu connus ou s’ils font partie de la prose de madame de Merteuil. Ce qui le ferait croire, c’est la multitude de fautes de ce genre qui se trouvent dans toutes les lettres de cette correspondance. Celles du chevalier Danceny sont les seules qui en soient exemptes: peut-être que comme il s’occupait quelquefois de poésie, son oreille plus exercée lui faisait éviter plus facilement ce défaut.