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l’un était absent, l’autre partait le lendemain au point du jour, le troisième était à la ville. Les inséparables amies devaient souper chez la veuve future ; mais le nouveau maître n’avait pas permis que les anciens serviteurs y fussent invités. Le matin même de ce jour, il fait trois lots des lettres de sa belle ; il accompagne l’un du portrait qu’il avait reçu d’elle, le second d’un chiffre amoureux qu’elle-même avait peint, le troisième d’une boucle de ses cheveux ; chacune reçut pour complet ce tiers de sacrifice, & consentit, en échange, à envoyer à l’amant disgracié, une lettre éclatante de rupture.

C’était beaucoup ; ce n’était pas assez. Celle dont le mari était à la ville ne pouvait disposer que de la journée ; il fut convenu qu’une feinte indisposition la dispenserait d’aller souper chez son amie, & que la soirée serait toute à Prévan ; la nuit fut accordée par celle dont le mari était absent ; & le point du jour, moment du départ du troisième époux, fut marqué par la dernière, pour l’heure du berger.

Prévan, qui ne néglige rien, court ensuite chez la belle étrangère, y porte & y fait naître l’humeur dont il avait besoin, & n’en sort qu’après avoir établi une querelle qui lui assure vingt-quatre heures de liberté. Ses dispositions ainsi faites, il rentra chez lui, comptant prendre quelque repos ; d’autres affaires l’y attendaient.

Les lettres de rupture avaient été un coup de lumière pour les amants disgraciés : chacun d’eux ne pouvait