Prévan, qui, placé naturellement auprès de la délaissée du jour, trouvait à offrir alternativement, & selon les circonstances, le même hommage aux trois amies. Il sentit que faire un choix entre elles, c’était se perdre, que la fausse honte de se trouver la première infidèle effaroucherait la préférée ; que la vanité blessée des deux autres les rendrait ennemies du nouvel amant, & qu’elles ne manqueraient pas de déployer contre lui la sévérité des grands principes ; enfin, que la jalousie ramènerait à coup sûr les soins d’un rival qui pouvait être encore à craindre. Tout fût devenu obstacle ; tout devenait facile dans son triple projet : chaque femme était indulgente, parce qu’elle y était intéressée ; chaque homme, parce qu’il croyait ne pas l’être.
Prévan, qui n’avait alors qu’une seule femme à sacrifier, fut assez heureux pour qu’elle prît de la célébrité. Sa qualité d’étrangère, & l’hommage d’un grand prince assez adroitement refusé, avaient fixé sur elle l’attention de la Cour & de la ville ; son amant en partageait l’honneur & en profita auprès de ses nouvelles maîtresses. La vraie difficulté était de mener de front ces trois intrigues, dont la marche devait forcément se régler sur la plus tardive : en effet, je tiens d’un de ses confidents, que sa plus grande peine fut d’en arrêter une, qui se trouva prête à éclore près de quinze jours avant les autres.
Enfin le grand jour arrive. Prévan, qui avait obtenu les trois aveux, se trouvait déjà maître des démarches, & les régla comme vous allez voir. Des trois maris,