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par une rigueur si peu méritée, me forcer à croire qu’il n’eût fallu que vous tromper pour obtenir plus d’indulgence ?

Je ne me repens point d’une conduite que je vous devais, que je me devais à moi-même ; mais par quelle fatalité, chaque action louable devient-elle pour moi le signal d’un malheur nouveau !

C’est après avoir donné lieu au seul éloge que vous ayez encore daigné faire de ma conduite, que j’ai eu, pour la première fois, à gémir du malheur de vous avoir déplu. C’est après vous avoir prouvé ma soumission parfaite, en me privant du bonheur de vous voir, uniquement pour rassurer votre délicatesse, que vous avez voulu rompre toute correspondance avec moi, m’ôter ce faible dédommagement d’un sacrifice que vous aviez exigé, & me ravir jusqu’à l’amour qui seul avait pu vous en donner le droit. C’est enfin après vous avoir parlé avec une sincérité, que l’intérêt même de cet amour n’a pu affaiblir, que vous me fuyez aujourd’hui comme un séducteur dangereux dont vous auriez reconnu la perfidie.

Ne vous lasserez-vous donc jamais d’être injuste ? Apprenez-moi du moins quels nouveaux torts ont pu vous porter à tant de sévérité, & ne refusez pas de me dicter les ordres que vous voulez que je suive ; quand je m’engage à les exécuter, est-ce trop prétendre que de demander à les connaître ?

De… ce 15 septembre 17…