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ai entendu prononcer. Comme je l’ai recueillie dans mon cœur ! comme elle s’y est profondément gravée ! & avec quels transports le mien y a répondu !

Hélas ! dans ce moment de bonheur, j’étais loin de prévoir le sort affreux qui nous attendait. Occupons-nous, ma Cécile, des moyens de l’adoucir. Si j’en crois mon ami, il suffira pour y réussir, que vous preniez en lui une confiance qu’il mérite.

J’ai été peiné, je l’avoue, de l’idée désavantageuse que vous paraissez avoir de lui. J’y ai reconnu les préventions de votre maman : c’était pour m’y soumettre que j’avais négligé, depuis quelque temps, cet homme vraiment aimable, qui aujourd’hui fait tout pour moi ; qui enfin travaille à nous réunir, lorsque votre maman nous a séparés. Je vous en conjure, ma chère amie, voyez-le d’un œil plus favorable. Songez qu’il est mon ami, qu’il veut être le vôtre, qu’il peut me rendre le bonheur de vous voir. Si ces raisons ne vous ramènent pas, ma Cécile, vous ne m’aimez pas autant que je vous aime, vous ne m’aimez plus autant que vous m’aimiez. Ah ! si jamais vous deviez m’aimer moins, il me serait bien plus facile d’en mourir que de m’en consoler. Mais non, le cœur de ma Cécile est à moi, il y est pour la vie ; & si j’ai à craindre les peines d’un amour malheureux, sa constance au moins me sauvera les tourments d’un amour trahi.

Adieu, ma charmante amie ; n’oubliez pas que je souffre, & qu’il ne tient qu’à vous de me rendre heureux, parfaitement heureux. Écoutez le vœu de mon cœur, & recevez les plus tendres baisers de l’amour.

Paris, ce 11 septembre 17…