Lettre LXVIII.
Comment répondre, madame, à votre dernière lettre ? Comment oser être vrai, quand ma sincérité peut me perdre auprès de vous ? N’importe, il le faut : j’en aurai le courage. Je me dis, je me répète qu’il vaut mieux vous mériter que vous obtenir ; & dussiez-vous me refuser toujours un bonheur que je désirerai sans cesse, il faut vous prouver au moins que mon cœur en est digne.
Quel dommage que, comme vous le dites, je sois revenu de mes erreurs ! avec quels transports de joie j’aurais lu cette même lettre à laquelle je tremble de répondre aujourd’hui ! Vous m’y parlez avec franchise, vous me témoignez de la confiance, vous m’offrez enfin votre amitié : que de biens, Madame, & quels regrets de ne pouvoir en profiter ! Pourquoi ne suis-je plus le même ?
Si je l’étais en effet ; si je n’avais pour vous qu’un goût ordinaire, que ce goût léger, enfant de la séduction & du plaisir, qu’aujourd’hui pourtant on nomme amour, je me hâterais de tirer avantage de tout ce que je pourrais obtenir. Peu délicat sur les moyens, pourvu qu’ils me procurassent le succès, j’encouragerais votre franchise par le besoin de vous deviner ; je dési-