Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/194

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

augmentent plus les peines qu’elles ne les soulagent ; &, par ce moyen, je la menai au point d’être véritablement suffoquée. Elle ne pleurait plus, & je craignis un moment les convulsions. Je lui conseillai de se coucher, ce qu’elle accepta ; & je lui servis de femme de chambre : elle n’avait point fait de toilette, & bientôt ses cheveux épars tombèrent sur ses épaules & sur sa gorge entièrement découvertes ; je l’embrassai ; elle se laissa aller dans mes bras, & ses larmes recommencèrent à couler sans effort. Dieu ! qu’elle était belle ! Ah ! si Magdeleine était ainsi, elle dut être bien plus dangereuse pénitente que pécheresse.

Quand la belle désolée fut au lit, je me mis à la consoler de bonne foi. Je la rassurai d’abord sur la crainte du couvent. Je fis naître en elle l’espoir de voir Danceny en secret ; & m’asseyant sur le lit : « S’il était là », lui dis-je ; puis, brodant sur ce thème, je la conduisis, de distraction en distraction, à ne plus se souvenir du tout qu’elle était affligée. Nous nous serions séparées parfaitement contentes l’une de l’autre, si elle n’avait voulu me charger d’une lettre pour Danceny ; ce que j’ai constamment refusé. En voici les raisons, que vous approuverez sans doute.

D’abord, celle que c’était me compromettre vis-à-vis de Danceny ; & si c’était la seule dont je pus me servir avec la petite, il y en avait beaucoup d’autres de vous à moi. Ne serait-ce pas risquer le fruit de mes travaux que de donner si tôt à nos jeunes gens un moyen si facile d’adoucir leurs peines ? Et puis, je ne serais pas fâchée de les obliger à mêler quelques do-