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Lettre LXIII.

La marquise de Merteuil au vicomte de Valmont.

Vraiment oui, je vous expliquerai le billet de Danceny. L’événement qui le lui a fait écrire est mon ouvrage, & c’est, je crois, mon chef-d’œuvre. Je n’ai pas perdu mon temps depuis votre dernière lettre, & j’ai dit comme l’architecte athénien : « Ce qu’il a dit, je le ferai. »

Il lui faut donc des obstacles à ce beau héros de roman, & il s’endort dans la félicité ! oh ! qu’il s’en rapporte à moi, je lui donnerai de la besogne ; & je me trompe, ou son sommeil ne sera plus tranquille. Il fallait bien lui apprendre le prix du temps, & je me flatte qu’à présent il regrette celui qu’il a perdu. Il fallait, dites-vous, aussi, qu’il eût besoin de plus de mystère ; eh bien ! ce besoin-là ne lui manquera plus. J’ai cela de bon, moi, c’est qu’il ne faut que me faire apercevoir de mes fautes ; je ne prends point de repos que je n’aie tout réparé. Apprenez donc ce que j’ai fait.

En rentrant chez moi avant-hier matin, je lus votre lettre ; je la trouvai lumineuse. Persuadée que vous aviez très bien indiqué la cause du mal, je ne m’occupai plus qu’à trouver le moyen de le guérir. Je commençai pourtant par me coucher ; car l’infati-