mon secrétaire. Le ton dont elle me fit cette demande me causa un tremblement si fort, que je pouvais à peine me soutenir. Je faisais semblant de ne la pas trouver : mais enfin il fallut bien obéir. Le premier tiroir qu’elle ouvrit fut justement celui où étaient les lettres du chevalier Danceny. J’étais si troublée, que quand elle me demanda ce que c’était, je ne sus lui répondre autre chose, sinon que ce n’était rien ; mais quand je la vis commencer à lire celle qui se présentait la première, je n’eus que le temps de gagner un fauteuil, et je me trouvai mal au point que je perdis connaissance. Aussitôt que je revins à moi, ma mère, qui avait appelé ma femme de chambre, se retira, en me disant de me coucher. Elle a emporté toutes les lettres de Danceny. Je frémis toutes les fois que je songe qu’il me faudra reparaître devant elle. Je n’ai fait que pleurer toute la nuit.
Je t’écris au point du jour, dans l’espoir que Joséphine viendra. Si je peux lui parler seule, je la prierai de remettre chez madame de Merteuil un petit billet que je vais lui écrire ; sinon, je le mettrai dans ta lettre, & tu voudras bien l’envoyer comme de toi. Ce n’est que d’elle que je puis recevoir quelque consolation. Au moins, nous parlerons de lui, car je n’espère plus le voir. Je suis bien malheureuse ! Elle aura peut-être la bonté de se charger d’une lettre pour Danceny. Je n’ose pas me confier à Joséphine pour cet objet, & encore moins à ma femme de chambre ; car c’est peut-être elle qui aura dit à ma mère que j’avais des lettres dans mon secrétaire.