Page:Choderlos de Laclos - Les Liaisons dangereuses, 1869, Tome 1.djvu/171

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jeunes gens, comme il y avait tout à parier, que mes instances auprès de la mère, pour la faire sortir, ne lui devinssent suspectes. Je pris le parti de l’effrayer sur sa santé, ce qui heureusement n’est pas difficile ; & je la tins une heure & demie, sans consentir à la ramener chez elle, dans la crainte, que je feignis d’avoir, du mouvement dangereux de la voiture. Nous ne rentrâmes enfin qu’à l’heure convenue. A l’air honteux que je lui vis en arrivant, j’avoue que j’espérai qu’au moins mes peines n’auraient pas été perdues.

Le désir que j’avais d’être instruite me fit rester auprès de madame de Volanges, qui se coucha aussitôt ; & après avoir soupé auprès de son lit, nous la laissâmes de très bonne heure, sous le prétexte qu’elle avait besoin de repos & nous passâmes dans l’appartement de sa fille. Celle-ci a fait, de son côté, tout ce que j’attendais d’elle : scrupules évanouis, nouveaux serments d’aimer toujours, etc., etc. ; elle s’est enfin exécutée de bonne grâce : mais le sot Danceny n’a pas passé d’une ligne le point où il était auparavant. Oh ! l’on peut se brouiller avec celui-là ; les raccommodements ne sont pas dangereux.

La petite assure pourtant qu’il voulait davantage, mais qu’elle a su se défendre. Je parierais bien qu’elle se vante, ou qu’elle l’excuse ; je m’en suis même presque assurée. En effet, il m’a pris fantaisie de savoir à quoi m’en tenir sur la défense dont elle était capable ; & moi, simple femme, de propos en propos, j’ai monté sa tête au point… Enfin vous pouvez m’en croire, jamais personne ne fut plus sus-