Page:Chincholle - Les Survivants de la Commune, 1885.pdf/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
149
LES FEMMES DE LA COMMUNE

Elles disaient : Poète, il faut prendre ta lyre,
Non pour mêler au bruit des cors et des clairons
Quelques appels guerriers, non pour aller conduire
Les pas errants des nations,
Mais pour mêler aux cris de la joie oublieuse
Ta plainte qui, silencieuse,
S’élève vers les cieux ardents ;
Il faut que l’on t’écoute, afin que la misère,
Fantôme au vol funèbre, aille loin de la terre
Porter ses hideux ossements.

Il faut que l’on l’écoute, afin qu’à la nuit sombre
Nul ne porte ses pas vers la Seine au flot bleu ;
Il faut que l’on t’écoute, afin que nul dans l’ombre
Ne tire un poignard devant Dieu.
Nous étions autrefois dans la vie orageuse.
La faim et la misère affreuse
Toujours, toujours nous parlaient bas.
Et parce que la foule égoïste et frivole
Nous jetait en passant quelque dure parole,
Il semblait que Dieu n’y fût pas.

Et la faim est, vois-tu, mauvaise conseillère ;
Un soir que le travail manquait comme le pain,
Le crime affreux s’assit auprès de la misère.
Nous avions froid, nous avions faim !
Prie à genoux la foule, appelle à la croisade,
Et debout sur la barricade,
Tenant en main la sainte croix,
Dis à tous : Ce n’est plus le siècle de la guerre.