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Vous voyez qu’il n’est pas aisé de peindre d’un coup de plume Dumas. Dumas est un protée. De là les différentes formes que chacun lui prête. Les petites pensionnaires affirment qu’il ressemble au vicomte de Bragelonne ; des soldats m’ont soutenu qu’il n’y a pas de différence entre lui et d’Artagnan. Pour les fiancées, Dumas, c’est le mari d’un Mariage sous Louis XV. Pour les femmes mariées qui ne craindraient pas une distraction, c’est Antony. Michelet, que tant de dénominations embarrassent, l’appelle tout bonnement une force de la nature. D’autres savants se le représentent sous les traits de Cagliostro. Des paysans vous conteront qu’il porte à la mairie de leur village le nom d’Ange Pitou. Et par jour cent personnes concluent : « Il faut que j’aille chez cet homme-là ! »

Autrefois c’était Venise qu’on brûlait devoir ; aujourd’hui c’est Dumas, comme s’il n’avait pas autre chose à faire que de se montrer. Ses domestiques enragent : ils ouvrent plus souvent sa porte que ne s’ouvre la porte du bon Dieu. On se procure avec trop de facilité l’adresse de leur maître. Demandez-la au premier commissionnaire venu, il vous répondra : « Boulevard Malesherbes, 107. » Grâce à cela, l’hiver dernier c’était coup de sonnette sur coups de sonnette. À la fin, Dumas, n’ayant plus le temps d’écrire ses mille lignes par jour, ne s’est-il pas vu forcé de déclarer dans son journal, à l’instar des ministres, qu’il ne recevrait dorénavant que le soir ? Si Dumas est visité comme un ministre, il est moins bien logé. Entrons chez lui, puisqu’il nous le permet. La maison qu’il habite n’a pas besoin qu’on la décrive. Regardez au hasard une des maisons construites depuis dix ans, elle ressemblera à la maison de Dumas. Tous nos architectes réunis sont parvenus à trouver un modèle de façade, et, s’imaginant avoir réalisé l’idéal, ne cherchent pas autre chose. Avant de monter