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j’allais faire une tirade et je réfléchis que ce n’est pas encore le moment de la placer. La cuisinière nous ouvre actuellement la porte ; nous n’aurons à la juger en cuisinière que devant ses fourneaux.

Celle sur qui se reposent — moralement — la femme et le valet de chambre a environ trente ans, n’est ni trop grande ni trop grosse, mais a bien raison de n’être ni plus grosse ni plus grande. D’ordinaire, elle retrousse ses manches en femme soigneuse qui ne veut pas les salir et elle promène ainsi des bras dodus toujours blancs et propres, en bonne cuisinière qui ne veut pas salir son ouvrage ; on l’appelle Humbert, à cause de son mari sans doute. Ses camarades ont eu recours à elle parce que son maître la loue assez souvent pour qu’ils aient foi en son habileté : Œdipe a dû renaître en Humbert.

Elle ne regarde pas, et elle a vu ; elle n’interroge pas, car elle a deviné. Possédant son Dumas par cœur, elle sait à n’importe quel moment s’il veut être seul ou s’il est prêt à recevoir. Tout de suite elle a jugé si la personne qui demande « Monsieur » est susceptible de l’intéresser ou de l’ennuyer. Les gens ennuyeux, elle les laisse à la porte sans même s’inquiéter de la pluie qui tombe. Elle épargne également à son maître les visages désagréables et se garde bien de renvoyer ceux qui ne le sont pas.

Humbert, qui est femme, connaît mieux que l’homme : elle connaît la femme ; peut-être a-t-elle éprouvé que deux filles d’Ève ne se rencontrent jamais avec plaisir. Elle a entendu vanter les belles faïences qui meublent la salle à manger ; elle invite gracieusement à les voir toute personne digne d’en gêner une autre. Voilà ce que c’est qu’Humbert, Humbert dans l’antichambre ; que penserez-vous d’elle quand je vous l’aurai montrée dans sa cuisine ?