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des gens qui n’ont jamais fait cent lieues dans leur vie et qui ne comprendraient pas le Dante, fût-ce dans une traduction. Je crois pourtant qu’il serait plus facile à un Parisien stagnant d’expliquer l’italien que le français parlé par Thomaso. Thomaso bredouille, gazouille, zézaie et ne s’entend probablement pas lui-même. Il ne connaît point M. Dumas, mais Mozieu Doumaze. Si M. Étienne Énault lui avait donné sa carte, il l’aurait lue pour en éviter la peine à son maître et eût annoncé Mozieu Édiéné Enaoult.

« Encore, eût dit Dumas, un étranger que je ne me rappelle point. Je n’y suis pas. »

Quand on protestait, Thomaso se sauvait, comme Armande, en envoyant la cuisinière.

Aujourd’hui ce valet de chambre est remplacé par un Français. Dumas n’ayant à son service qu’une seule personne mâle, cela m’économise un portrait. Lorsque vous serez reçu par un homme, vous saurez que vous êtes en face de Louis, qui vous semblera le meilleur Français du monde, aussi Français que son prénom, mais qui est bien — va-t-il me pardonner ? — l’Italien de la littérature. Nos plus grands noms lui font exactement le même effet que produirait notre argot sur un paysan des environs de Rome, et prennent en passant par ses lèvres une allure impossible, grâce à laquelle Dumas renvoie ceux qui les portent. Souvent même, dans sa crainte d’annoncer à son maître un nouvel intrus, Louis ne manquerait point d’être embarrassé s’il ne savait qu’en pareil cas on consulte la cuisinière.

Qu’est-ce donc que la cuisinière ?

Vous demandez ce que c’est que la cuisinière du Brillat-Savarin moderne, du Vatel qui dédaignerait les menus du baron Brisse ? La cuisinière de Dumas, c’est… Pardon,