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tant de domestiques que Cadet Roussel. Il va sans dire que tous trois l’adorent, veillent avec orgueil sur ses moindres instants et lui évitent les visites ennuyeuses, comme si c’était à eux et non pas à lui de les recevoir. Dès qu’on sonne, ils vont, l’un ou l’autre, indifféremment, ouvrir ; mais il n’est pas indifférent au visiteur d’avoir affaire à l’un ou à l’autre.

Est-ce la femme de chambre qui vous ouvre ? La femme de chambre est une petite mince aux cheveux châtains, aux yeux d’un bleu gris, brillants et vifs, à la démarche et aux mouvements qui ne démentent point ses yeux ; elle doit avoir trente-cinq ans. C’est Armande. Armande a exactement vis-à-vis de vous la même conduite que les éditeurs vis-à-vis des jeunes auteurs. Ceux-ci vous demandent : « Êtes-vous connu ? » Armande regarde si elle mandent vous connaît. Si elle ne vous connaît point, elle vous répond que « monsieur n’y est pas, » et elle ferme la porte. Si elle vous connaît, vous n’avez qu’à entrer. Armande aime les situations bien résolues et ne s’arrête pas aux mais, aux parce que de la porte. C’est oui ou non ; elle ne sort pas de là. Il lui arrive ainsi de temps en temps de renvoyer des personnages qui le lendemain réclament par écrit. Ça lui vaut une remontrance du maître. Le jour de cette remontrance-là, Armande — si n’étant pas connu d’elle vous insistez pour entrer — va chercher la cuisinière et se sauve en vous l’envoyant.

Dernièrement, un jeune homme à la figure étrangère répondait parfois à mon coup de sonnette. C’était le valet de chambre, Thomaso. Remarquez son nom ; il est dangereux, car les Français n’ont pas l’habitude de s’appeler Thomaso. Ce valet de chambre était une curiosité rapportée de Florence par le grand homme. Dumas est resté assez longtemps en Italie pour parler italien ; mais il y a