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SES CAUSES ET SES REMÈDES.

effet, à ce point de vue, nous sommes les derniers de la liste. Notre natalité n’est que de 23 pour 1 000 habitants, tandis qu’elle varie de 30 à 45 dans le reste de l’Europe. C’est là et non ailleurs qu’est le mal ; c’est donc là qu’il faut l’étudier, comme à sa source, pour en découvrir les causes et, s’il se peut, les remèdes.

II

Les causes d’abord :

M. Rameau vient de faire justice de celle qui tiendrait à la race, en nous montrant la même race inégalement féconde suivant les milieux. Nous ne nous arrêterons pas davantage à l’explication optimiste et chauvine tentée par certains auteurs, entre autres par M. Gaetan Delaunay, qui affirme, avec force preuves à l’appui tirées du règne animal et du règne végétal, que la fécondité des espèces diminue au fur et à mesure de leur ascension dans l’échelle biologique : l’éléphant est moins fécond que la carpe et l’huître ; la rose, que la fougère et le champignon. Le ralentissement de notre population proviendrait donc uniquement de notre supériorité intellectuelle, et nous devrions nous en enorgueillir au lieu de nous en affliger. Arrière cette thèse engourdissante et fausse que tout dément chez nous-mêmes ! Non, la stérilité française ne tient pas à des causes physiologiques, matérielles, mais à des causes économiques, morales. On n’a pas d’enfants, parce qu’on n’en veut pas : c’est un fait de volonté.

Quels sont les facteurs qui agissent sur la volonté ? L’intérêt, l’instinct

    satisfaisantes tiennent au fond, non à des progrès dont on ait le droit de s’applaudir, mais à une faible natalité.

    Le groupe des enfants de zéro à un an présente en France 9 fois plus de chances de mort que les autres groupes de la population. Soient : ce rapport entre la mortalité infantile et la mortalité des autres groupes ; la natalité et la mortalité générale, rapportées l’une et l’autre à 1 000 habitants.

    Si l’on admet que le rapport ne varie pas, malgré les variations de la natalité, on trouve entre ces diverses expressions la relation suivante :

    En y introduisant les données numériques qui conviennent à la France (1888) elle devient :

    Elle montre que, toutes choses restant égales ailleurs, si la natalité se réduit de 40 à 20 pour 1 000 habitants ou de 50 %, la mortalité se réduit de 24,4 à 21,4 ou de 12 %.

    De même pour la nuptialité. La proportion des adultes de 15 à 60 ans est de 61 % en France et de 52 % en Allemagne. L’effectif mariable devrait donc assurer à la nuptialité française une supériorité de 15 % par rapport à la nuptialité allemande, du fait seul de notre moindre natalité.