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L’AFFAIBLISSEMENT DE LA NATALITÉ FRANÇAISE

la caserne, en se rappelant sans doute combien cette perspective d’échapper à la conscription avait déterminé de vocations matrimoniales lors des guerres du premier empire (387 136 mariages en 1813 au lieu de 272 934 en 1889, ou pour 1 000 habitants 13 mariages au lieu de 7). Aux yeux des auteurs de ce système, la peur de la giberne serait pour les célibataires endurcis le commencement de la sagesse. Mais ce ne sont là que des propositions isolées et l’on s’accorde en général pour laisser la nuptialité hors de cause.

Notre mortalité, de son côté, se tient, par rapport à celle de l’Europe, dans une moyenne honorable. Ce n’est pas à dire qu’il n’y ait rien à faire de ce côté : M. Cacheux parlait tout à l’heure des progrès accomplis en Angleterre et qu’il semble légitime d’attribuer en partie à l’organisation d’un service sanitaire, le surplus pouvant être imputable à l’accroissement du bien-être, sinon même à la réduction de la natalité. Il aurait pu citer également la marge à gagner par l’amélioration des logements ouvriers. La mortalité a été en 1889 de 14 habitants sur 1 000 dans le VIIIe arrondissement, et de 33 habitants sur 1 000 dans le XIIIe. Elle est en partie une question de misère et de salubrité. Assainir la maison, c’est sauver les existences que fauche le taudis. À Birmingham, d’après M. Jules Simon, tandis que le taux moyen de la mortalité pour la ville entière était de 24 sur 1 000, elle n’était plus que de 15 sur 1 000 pour les locataires de la Société métropolitaine[1]. Si toute la mortalité parisienne était réduite au niveau de celle du VIIIe arrondissement, il mourrait par an à Paris 22 000 personnes de moins qu’aujourd’hui. De même, si la mortalité infantile entre zéro et un an était ramenée de son taux moyen de 16 % en 1886 au taux de 10 %, encore supérieur à celui auquel elle descend dans certains départements [Creuse 9 %, Vienne 7 %][2], on réaliserait une économie annuelle de 50 000 enfants. Sans nier que beaucoup ait été fait dans ce sens, on voit qu’il reste encore beaucoup à faire pour prévenir ces hécatombes humaines et ce massacre des innocents. C’est là une noble lâche assignée à la science des hygiénistes, comme au dévouement des œuvres publiques et privées qui se consacrent à l’assainissement de l’habitation populaire et à la protection de l’enfance.

S’il s’agit pour les mariages et les décès de faire mieux que nos voisins, c’est-à-dire de réaliser une sorte de tour de force au prix d’un effort exceptionnel, il n’en va plus de même pour les naissances[3] En

    breuses. En France, plusieurs lois de la Révolution majoraient les contributions des célibataires et réduisaient les secours à leur accorder.

  1. Le Travail, par Jules Simon, p. 271.
  2. D’après la Statistique annuelle de la France pour 1886, la mortalité infantile dans le département des Landes n’aurait été en 1886 que de 171 pour 7 572 naissances, ce qui correspondrait à 2,2 %. Ce chiffre a besoin de confirmation.
  3. La diminution de la natalité réagit : sur la mortalité, pour l’affaiblir ; sur la nuptialité, pour l’augmenter. Il se peut donc qu’une mortalité et une nuptialité