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CEYLAN.

cent vingt pieds de hauteur. Il y a des fougères aux nuances invraisemblables, des fougères bleues, subtiles comme des vapeurs, des feuilles délicates qui semblent une végétation de rêve, des dentelles vertes sans épaisseur, des capillaires exquises qui sont des cheveux de fées. Au fond d’une allée de banians, des caoutchoutiers géants projettent leurs énormes branches si loin que, ne pouvant plus se soutenir, elles retombent à terre, s’y enfoncent, remontent, forment un nouvel arbre. Tout autour. leurs racines monstrueuses, perçant le sol, surgissent en échines rudes, hautes de quatre pied serpentent au loin avec un mouvement sinueux et puissant. On dirait des coulées de granit, un rayonnement de lave figée, épanchée d’un cratère sus premiers jours du globe.

Enfin, voici le triomphe et comme l’apothéose de la végétation de l’île. A la limite des Jardins, au bord de l'eau jaune et lente d'une ganga, une gerbe de bambous. Elle a trente mètres de tour. Ils sont là par centaines qui s’étouffent, et chacun est aussi gros qu’un arbre d’Europe, les rudes tiges bleuâtres et lisses, divisées en articles de deux pieds parfaitement rondes, son gorgées d’eau. Quelques-unes, tachetées de vert, semblent empoisonnées. Elles poussent si drues que l’on ne voit que les premiers rangs ; les autres, recouvertes, oppressées jaillissent tout droit dans la nuit. Avec un mouve-