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DANS L’INDE.

lustrées, puissantes et régulières, trois fois reines par leur grandeur, par leur beauté, par leur éclat ; à droite, d’épais massifs, des murailles végétales de bambous et de lianes, un foisonnement de choses vertes et souples qui s’élancent hors de la boue, se pressent, s’écrasent pour parvenir à la lumière et retombent pêle-mêle, étalées dans la noirceur que leurs ombres projettent sur la poitrine du fleuve. Et, tout au loin, le long de la courbe éclatante, le même déploiement de force inutile, indifféremment regorgeante et prodiguée, la même montée furieuse de vie.

Tout près de là sont les Peradinya-Gardens, où je passe la journée, dînant seul d’un peu de riz et de quelques cocos dans la hutte d’un gardien cinghalais. On peut parcourir ici plusieurs lieues ; si longtemps que l’on erre, on ne rencontre pas l’homme et, pourtant, on sent un ordre, un plan dans ce merveilleux jardin sauvage. C’est un paradis des contes d’Orient, dessiné, habité par des génies invisibles, loin du monde réel et terrestre. Les colibris, les oiseaux-mouches, tout un petit monde ailé étincelle dans la magnificence de cette solitude. Il y a de vastes pelouses où les plantes de l’équateur peuvent grandir à l’aise, atteindre toute leur taille, des allées rigides d’aréquiers qui montent d’un jet luisant et métallique, un seul bouquet de palmes brillantes épanoui à